
C’est un scandale
L’Amant des morts de Mathieu Riboulet /
SCANDALE n. m. Effet fâcheux, choquant, produit dans le public par des faits, des actes ou des propos considérés comme contraires à la morale, aux usages. (Le nouveau petit Robert)
Mathieu Riboulet tente de dire l’indicible du désir absolu, sans limite, qui, terriblement humain, va à l’encontre de ce qui constitue l’être social. Il retrace le cheminement de l’approbation de l’amour jusque dans la mort, rejouant l’éternel conflit d’Éros et Thanatos. On pense à Sade dont il nous est dit que la lecture est « pleine d’ivresse, de liberté et de fièvre. »
Jérôme, le personnage de ce court récit, trouve la joie dans « l’infini silence d’une allégeance archaïque ». Il est une « fille perdue, déshonorée par son père » qui semble dire à tous, dans un geste de profanation et de blasphème : « Prenez, car ceci est mon corps. » Il est dans une dépense de lui-même et une prodigalité extrême, loin de nos petites économies sociales.
L’autre scandale réside dans le fait que cette denrée inépuisable du plaisir nous est rapportée dans une langue d’un parfait classicisme aux phrases sinueuses et au vocabulaire foisonnant. Ce bonheur physique de la lecture confirme que Riboulet, mort en février dernier, est un des auteurs majeurs de ce début de siècle.
L’Amant des morts, Mathieu Riboulet, Éditions Verdier, 2008, 96 p., 10 €