
Voyage au bout de la Chunga
Zaï zaï zaï zaï de Fabcaro /
Au moment de passer à la caisse d’un grand magasin, un homme doit se rendre à l’évidence : il a oublié sa carte de fidélité dans un autre pantalon. Un responsable du magasin intervient rapidement. Les choses s’enveniment. Le client dégaine un poireau. L’autre le menace de répliquer par une roulade arrière. Le contrevenant prend la fuite. La chasse à l’homme peut commencer.
Il y a longtemps que je n’ai pas autant ri en lisant. On trouve pêle-mêle là-dedans : un présentateur du JT impuissant, un chien de chasse empaillé, un reporter facétieux, un spécialiste des auteurs de BD, un député dur de la feuille, un groupe de gospel, une vieille copine de collège, Malek, une adolescente rebelle, un adepte des théories du complot et bien sûr le bar restaurant karaoké la Chunga.
Fabacaro a un sens aigu du tempo qui est, comme chacun sait, la valeur cardinale de l’humour. Certains gags tombent comme des couperets. Même si chaque page fonctionne plus ou moins de manière autonome, le récit avance bon train et l’intensité va grandissante. Tous les travers de notre société médiatico-marchande y passent avec une férocité mordante. Avec Fabcaro, même la vulgarité et le mauvais goût sont réjouissants.
La grande drôlerie vient comme souvent du décalage entre un dessin plutôt sage (même si les visages parfois à peine esquissés distillent une dose de malaise voire d’angoisse) et des dialogues parfaitement absurdes et parfaitement réalistes donc parfaitement vrais.
S’il vous plaît, ne vous privez pas d’une telle séance de poilade. Et ne vous y trompez pas, c’est drôle parce que c’est furieusement intelligent.
Zaï zaï zaï zaï, un road movie de Fabcaro, 6 pieds sous terre éditions (collection Monotrème mini), 72 p., 13 €