
C’est l’histoire d’un homme
La Bouche pleine de terre de Branimir Šćepanović /
Ce livre distille une inquiétante étrangeté. Tantôt il prête à sourire, on songe à Raymond Devos, tantôt il trouble et on lorgne alors du côté de Kafka. L’absurde n’est jamais loin. Le fantastique non plus.
La technique narrative de la principale des deux nouvelles est elle aussi étonnante. On suit l’action alternativement du point de vue du narrateur et de son acolyte (« Jakov et moi ») et du point de vue de cet homme, passager d’un train qui le conduit dans son pays natal où il retourne pour mourir.
La question qui sous-tend l’ensemble du texte est celle du moteur qui anime ces singuliers personnages. Qu’est-ce qui les meut ? La curiosité ? Sans doute. Le désespoir ? Sûrement. L’ennui ? Évidemment. La haine ?
Quel est ce lien invisible, indissoluble et mystérieux qui nous unit à l’autre. Cet autre, qu’est-il pour nous ? Un semblable, un ennemi, un jouet ? Ces deux courts textes à la trame voisine mais aux tons différents, le deuxième est plus « léger », sont porteurs d’interrogations essentielles et nous renvoient à nos propres comportements, à nos petits arrangements, à nos contradictions et à nos impasses.
La Bouche pleine de terre suivi de La Mort de M. Golouja, Branimir Šćepanović, Éditions Tusitala (Collection Insomnies), Traduit du serbe par Jean Descat, Postface d’Emmanuel Laugier, 136 p., 14 €